Local Gestures
because the personal is cultural
SYLVAIN VERSTRICHT : Dans ta pièce précédente, Gently Crumbling, tu avais une distribution quasi-exclusivement féminine. Pour ton nouveau spectacle, La valeur des choses, tu t'es entouré d'hommes, et ce même si dans les deux cas les thématiques de ton travail ne semblaient pas nécessiter un genre ou l'autre. Qu'est-ce qui a guidé tes choix pour la sélection des interprètes? JACQUES POULIN-DENIS : C'est vrai que le casting de La valeur des choses est directement en lien et en contraste avec celle de Gently Crumbling. Peut-être un peu en réaction d'abord, j'ai voulu faire une œuvre contraire. Quand j'ai conçu VDC, j'avais l'envie de continuer à explorer différentes configurations chorégraphiques. J'avais créé un spectacle solo (Cible de Dieu), une pièce de grand ensemble, 12 interprètes (DORS) et le trio féminin de Gently Crumbling. J'étais certainement attiré par un nouveau contexte de création que je n'avais pas encore explorer, celui d'une distribution entièrement masculine. J'ai donc amorcé la création de VDC en voulant essayer une nouvelle méthode. Le facteur le plus important était celui du temps. Je n'ai jamais étalé un processus sur une aussi longue période de temps, 18 mois. Durant les différentes étapes et résidences de créations, l'équipe et les objectifs ont changés souvent, allant de solo à sextet. J'ai invité plusieurs interprètes à différentes reprises afin d'informer le travail, et d'ouvrir la recherche. Je voulais que « la pièce me dise ce dont elle avait besoin », plutôt que de m'imposer très tôt une certaine configuration. Je dirais que la collaboration avec James Gnam était un des piliers de la distribution. Je l'ai rencontré durant l'été 2012 avec le projet trypticque organisé par Circuit Est, le Vancouver Dance Center et Operaestate, et j'ai su très tôt que je voulais qu'il fasse partie de cette création. Malgré le fait qu'il réside à Vancouver, nous avons été très chanceux et avons souvent pu nous retrouver pour faire avancer la création, grâce à des résidences à Berlin, à Montréal, à Vancouver et à Victoria. J'aime la collaboration avec James car il est un frère artistique. Il suit facilement le fil de mes idées et son mouvement m'inspire beaucoup. Il s'approprie n'importe quelle idée, aussi vague soit-elle, et la transforme en une proposition chorégraphique claire. Francis d'Octobre aussi était de la partie depuis le début car j'ai d'abord voulu m'entourer d'amis et on se connait depuis une quinzaine d'années. Francis avait contribué à la musique de Gently Crumbling. Comme je voulais que le processus d'exploration soit très vivant et changeant, l'implication de Francis était clé car il travaillait en directe avec nous, avec les instruments qui nous inspiraient à chaque étape. Improvisateur aguerri, il a composé d'innombrables musiques depuis les premiers pas de la création. Jo est le dernier venu. Son arrivée est venue clore la phase de recherche et confirmer la phase de création. Avec lui, j'ai senti que la distribution était complète. Il a des qualités et des aptitudes bien différentes de celle de James et moi, et il apporte une profondeur humaine, une authenticité crue. 21-25 janvier à 20h Théâtre La Chapelle www.lachapelle.org 514.843.7738 Billets : 29$ / Étudiants : 25$
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Difficile de m’arrêter lorsque mon cœur bat si vite, de Dana Gingras Lumière tamisée sur dix interprètes marchant au ralenti. Atmosphère planante. Ils n’hésitent pas à se passer la main dans les cheveux ou se gratter la paume de la main, ces petits mouvements où l’on ne fait que répondre de façon à peine consciente aux demandes murmurées de notre corps. Leurs corps font l’objet de chutes et ils se concentreront sur le travail au sol, où ils rouleront avant de remonter à la verticale que pour tomber à nouveau, à répétition. Chez les spectateurs, la tension et le plaisir sont dans l’anticipation de l’effondrement; nous savons qu’il viendra, mais quand et comment? Petite trouvaille chorégraphique dans cet écroulement brièvement interrompu à mi-chemin par une position accroupie. Les petits mouvements initiaux ont disparu. On ne peut s’y adonner que lorsque notre corps n’est pas appelé à en faire plus. Sëlekt, de Jacques Poulin-Denis Le pire party. Le genre de party où tout le monde est trop préoccupé par les apparences et vraiment pas assez par les interactions sociales. Dubstep. Confusion. De mon côté et non de celui des six interprètes qui, eux, suivent. Et peut-être pour une autre spectatrice qui, plus tard, on peut entendre dire, « Qu’est-ce qui se passe? » Je ne m’attendais pas à ça dans une pièce de Poulin-Denis. Il fait ici dans la pop, mais ça fait partie intégrante de son propos. Sëlekt trouve sa force lorsque le commentaire social perce à travers la superficialité alors que trois hommes avec des lumières pour queues éclairent une femme que légèrement vêtue qui se dandine au son de la musique. Faire le party pour le regard des autres plus que pour son propre plaisir. De leur côté, les hommes n’ont même pas besoin du regard des femmes; ils se perdent dans une parade d’égos de plus en plus pathétique. Ils sont tous leur propre enseigne clignotante : APPLAUDISSEZ. Lorsque la façade commence enfin à s’écrouler, on entrevoit une lueur d’espoir. Une femme ne danse plus pour le regard des autres, mais pour elle-même, hors de nécessité. Elle peut sembler perdre la boule, mais cet exutoire pourrait bien assurer la survie de sa santé mentale. Sa tête tombe par en avant, par en arrière, et ses longs cheveux suivent, comme si dans son crâne elle tombait en elle-même. Dans un monde contrôlé de l’extérieur, ces moments d’intériorité sont révolutionnaires. S’envoler, d’Estelle Clareton Passons à travers le cliché du mouvement animal en danse contemporaine; la pièce de Clareton trouve ses qualités en s’inspirant des oiseaux. Le tout est d’une légèreté… Les danseurs ne peuvent tenir sur place sans sautiller, remplis de nervosité à leur première rencontre avec le monde. Ils sont remplis de tics, leurs têtes tournant de part et d’autre par petits mouvements. Une tête ressort du nid ici et là, et ceux qui se font soulever ne sont pas plus excités que ceux qui les soulèvent. Cette énergie est conservée lors de leur première tentative de vol. Certains rebrousseront même chemin ayant atteint le bout du tremplin, trop craintifs. Mais, éventuellement, chacun prendra les mains de l’autre dans les siennes pour être propulsé dans les airs. Ils retourneront toutefois au groupe pour retrouver le confort, le sentiment de sécurité. Une certaine noirceur peut être décelée, comme si le monde hors du nid pourrait présenter une menace, qu’il pourrait être dangereux d’y être seul. En effet, un loup apparaît dans le poulailler. Clareton refuse toutefois le drame et nous retourne au climat d’ébullition du départ. Le groupe soulève un interprète après l’autre et la beauté de S’envoler est qu’il ne s’agit pas de s’élever au-dessus des autres; chacun aura son tour, grâce à chacun. C’est l’absence d’égos, la coopération, l’entraide. C’est la communauté. 18-21 décembre à 19h30 Théâtre Rouge du Conservatoire www.edcmtl.com / www.admission.com 514.873.4031, poste 313 Billets : 18$ / Étudiants : 10$ Salves, Maguy Marin (Danse Danse) Septembre 26-28 Because last time Marin was in town, it was back in 2007 with Umwelt, which still holds as one of the best shows performed in Montreal this past decade. Prismes, Benoît Lachambre (L’Agora de la danse) October 16-19 Because Lachambre made quite the comeback last year with Snakeskins, his best show in years. Henri Michaux: Mouvements + Gymnopédies, Marie Chouinard (Danse Danse) October 31-November 2 Because Chouinard’s last show, LE NOMBRE D’OR (LIVE), is the one that has had the biggest impact on me since performer Carole Prieur first translated Henri Michaux’s drawings into dance back in 2005. We can only imagine what it will be like when all the dancers of the company will follow in her footsteps. Cuire Le Pain De Nos Corps, Sarah Dell’ava (Tangente) November 21-24 Because Dell’ava is probably the most intelligent mover in Montreal. LA VALEUR DES CHOSES, Jacques Poulin-Denis (Lachapelle) January 21-25 Because Poulin-Denis manages to expose the absurdity of human life while remaining funny and touching. The Nutcracker, Maria Kefirova (Tangente) January 30-February 2 Because Kefirova is one of the few choreographers in Montreal who knows how to deal with video in live performance. The adaptation project, Michael Trent (L’Agora de la danse) February 12-14 Because the last time Trent was in Montreal, he surprised everyone by being as conceptual as he was playful. Reviens Vers Moi Le Ventre En Premier, Annie Gagnon (Tangente) February 27-March 2 Because she’s one of the few choreographers in Montreal who’s not afraid to be serious. Mayday remix, Mélanie Demers (Usine C) March 12-14 Because, with just a few works, Demers has managed to establish herself as one of the most consistently good dancemakers in Montreal and it will be a treat to see her revisit her past works before moving on to the next artistic stage in her career. Mange-Moi, Andréane Leclerc (Tangente) March 20-23 Because Leclerc’s contortionism isn’t just a circus trick; it’s a philosophy that allows her to approach and explore space differently. http://dansedanse.ca/DDA_1314/en/ http://www.agoradanse.com/en http://tangente.qc.ca/ http://lachapelle.org/ http://www.usine-c.com/ The beam of light from a projector appears in front of the viewer instead of just behind. The screen becomes a mirror, reminding the viewer: this is not reality; it’s just a movie. The projector lights up the title, Inland Empire, by David Lynch. At the beginning of Mélanie Demers’s Goodbye, dancer Jacques Poulin-Denis opens with a typical Demers move, a series of statements paradoxical in their juxtaposition: “This is not the show,” he tells us. “Not a flat screen, not reality.” The question that always emerges with Demers is: then what is it? One should never readily believe what the performers are saying. Of course, when Poulin-Denis is claiming, “This is not the show,” he is reminding us of the opposite: this is a show. But does it even matter one way or another? Extreme close-up of a needle on a vinyl record. To say that it’s just music is to undermine the kind of emotional manipulation that art is involved in. Even the electric guitar riffs in Goodbye are reminiscent of Lynch, most particularly Angelo Badalamenti’s score for the Twin Peaks series. That’s not to mention the floor, a black-and-white checkerboard of inhuman proportions that dramatizes the space and makes the dancers look trivial, like mere chess pieces. The Black Lodge. A woman watches television, though on it there is nothing but static. Soon, however, the TV image gives way to animated rabbits in their apartment. It could all be in her head. Se faire son cinéma. Do we need to believe that Brianna Lombardo and Poulin-Denis are really a couple to be affected by their dance? Of course not. The moment they interact, the moment they touch, the moment they move together, they enter into a relationship, their actions have consequences. We don’t need to believe that Grace Zabriskie is not Grace Zabriskie. She just needs to walk in, creepy as fuck. If you don’t feel anything, it’s because you’re taking Zabriskie for granted; as real. Suspension of disbelief is a myth. The true power of cinema lies in complete and utter disbelief. Demers is not even trying to pretend. When a performer needs to have tears running down their face, they use eye drops. The microphones they hold are fake, aluminum paper balls on black sticks; the knife, an aluminum paper blade. No one will get hurt. At least not because of objects. No matter how much I hate metaphors, I must recognize that most blades are metaphorical. Artistic ones, always. When Laura Dern gets fake stabbed, she runs down Hollywood Boulevard before falling in front of one of the stars from the Walk of Fame. Lynch will not allow you to believe any of it is real. It doesn’t matter. If you are only affected by things that are real, you’re not human. When Poulin-Denis looks up at the audience while Demers is sucking on his nipple, his reaction is to say, “No, no… It’s not what you think. This is not the show.” The statement is of course hilariously ironic. Demers knows that such a strong image is bound to have an effect on the audience. Would it have any less of an effect if we were to take it in as reality? Of course not. Quite the contrary. Whenever Dern and Justin Theroux have a scene together, we never quite know whether they are the actors they are portraying in the movie or the characters the actors are portraying in the movie in the movie. At one point, Dern screams out, “Damn! This sounds like dialogue from our script!” That’s because, of course, it is. First and foremost, and if nothing else, every movie is about people making a movie. Another typical Demers move: when Poulin-Denis is wiping the water off the floor, he is of course doing so for the dancers’ safety; but, by virtue of being performed onstage, the action is also necessarily dramatic. An everyday gesture becomes an artistic one. “Il y a de l’éclairage, des costumes…” he says, laying out the reasons why we might be inclined to think that this is a show. As if those things didn’t exist outside of the theatre… “Is this our set?” Dern asks. She means in the movie in the movie. However, the set only ends up getting used in the movie. Every space is one location scout away from becoming a set. Later, when Poulin-Denis is the one sucking on Lombardo’s nipple, Chi Long shouts, “This is it! This is the show!” Yet the gesture is essentially the same as before. If anything, the gender reversal and repetition (and therefore lack of surprise) have made it more socially acceptable, less dramatic. It’s always been the show, even before Goodbye ever started. The needle on the record, the music, the emotional manipulation... The viewer cries. She cries because she relates with the character Dern is playing. (What in The Wars Timothy Findley beautifully refers to as “shouts of recognition.”) They encounter each other and kiss in the television. Art as a meeting ground, as the space where artist and audience come into contact, where the line between the artistic and the everyday gets blurred. Goodbye. No, really, goodbye. Poulin-Denis keeps telling the audience the show is over, in so many different ways that it becomes comical, yet the audience doesn’t leave. This is still the show. When does it really end? What are the cues? When the stage lights fade out, when the house lights come on, when the performers take a bow, when we clap, when we leave the theatre, when we finally stop thinking about the show… Some shows never end. And, even when shows do end, what awaits us outside the theatre? More metaphorical blades. Theatre.
usine-c.com maydaydanse.ca Le corps technologique; le corps humain. C’est une tension qui s’est dessinée à Tangente la semaine dernière entre les propositions des chorégraphes Brian Brooks et Jacques Poulin-Denis. Deux visions du corps distinctes, mais dont la qualité de l’exécution révèle que des propos apparemment antagonistes peuvent tous deux tenir la route. Dans le hall d’entrée, projection de Rapid Still, un court métrage de Brooks. Il lui aura fallu plus de huit cents sauts pour produire moins de deux minutes au final. C’est que Brooks n’utilise que la fraction de seconde qu’il est suspendu dans les airs pour créer une vidéo où il flotte au-dessus du sol. Même si cette utilisation de la technologie n’était point présente sur scène, on la sentait encore. C’est comme si Brooks s’était intéressé à assimiler la technologie dans le corps même. Résultat : I’m Going to Explode, court solo où un homme en complet s’agite au son de LCD Soundsystem. La musique contribue sûrement à l’effet vidéoclip, mais aussi le mouvement d’abord limité et répétitif qu’on dirait produit par une animation en stop motion. Mon côté minimaliste aimerait en fait voir une version où Brooks se limite à ce petit battement des bras tendus chaque côté de son corps pour les dix minutes que dure la pièce. C’était suivi d’un extrait de Descent, un travail de partenaire ingénieux où le corps de Brooks se transforme en boule de pinball contre celui d’Aaron Walter, dont les membres agissent comme des flippers qui fracturent son corps. Ils se retrouvaient pour un extrait de Motor (la technologie, je vous dis) où tous deux se déplacent à l'unisson… en sautillant sur une seule jambe pendant huit minutes. Encore là, on retrouve l’effet stop motion; on s’imagine Brooks créant cette chorégraphie pour vidéo, le pied des danseurs glissant au sol. C’est comme s’il s’imposait des contraintes numériques qu’il s’amusait ensuite à transposer au corps par le pouvoir de la créativité. Imaginatif et réussi. Cette numérisation du corps lui donne une dimension immortelle; il peut se défaire physiquement, mais ces séries de 0 et de 1 survivront, se multiplieront même. C’est tout autre chose dans la pièce de Poulin-Denis, comme on peut déjà le deviner d’après le titre, Gently Crumbling. Il s’agit là d’une comédie noire, d’un game show cruel, d’une expérience scientifique absurde. On l’aura deviné, il s’agit de l’existence humaine. C’est servi par trois interprètes magnifiques, Natalie Zoey-Gauld, Claudine Hébert, et Caroline Laurin-Beaucage, tour à tour concurrentes, cobayes, et travailleuses. Frédéric Wiper y trouve un rôle de soutien comme animateur, scientifique, et observateur. On tombe; on sonne la clochette. On fait la brouette jusqu’à ce que les bras ne tiennent plus et que notre visage se fasse glisser contre le sol; on sonne la clochette. On frappe une poupée gonflable ancrée au sol pour observer combien de fois elle vacillera avant de s’estomper. Autant de tâches pour révéler la futilité de la vie humaine. On peut bien faire de l’exercice, ça ne fait qu’à peine ralentir l’inévitable. « At this point in the procedure, » nous rappelle Zoey-Gauld, « time is of the essence. » On ramasse les biscuits soda éparpillés partout sur le sol, mais ils y retombent dans le vide de nos bras. C’est une course vers le rien, vers la mort. Alors on regarde cette poupée se dégonfler lentement. Ce n’est qu’une bébelle de plastique cheap. C’est ridicule. Et, je ne sais pas comment Poulin-Denis y parvient, c’est étrangement touchant. Tangente Jacques Poulin-Denis et son Grand Poney Brian Brooks et sa Moving Company |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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